Réduire l’intensité énergétique des transports : combiner des modèles de transport et de technologie pour éclairer la transition

Contexte

Le transport est l’une des activités humaines les plus énergivores. Au cours des dernières décennies, les planificateurs ont accordé une attention croissante aux externalités liées au transport; et le discours public sur le changement climatique a encore renforcé cette tendance.
La réduction des émissions liées au transport, que ce soit par le biais de propulseurs de véhicules plus économes en énergie ou en utilisant des formes de mobilité innovantes, est devenue l’un des principaux objectifs des planificateurs de transport du monde entier. Il motive une grande partie de la recherche actuelle sur les véhicules électriques, les voitures sans conducteur, la mobilité comme service (MaaS – Mobility as a Service) et plusieurs autres technologies et concepts innovants. Malgré toute cette attention, les méthodologies permettant d’avoir un aperçu de l’impact de ces innovations sur l’énergie et les émissions ont encore des limites importantes.

Premièrement, les modèles axés sur la technologie – notamment l’analyse du cycle de vie (ACV) – analysent généralement chaque technologie de manière isolée et ne parviennent donc pas à saisir l’interaction de ses caractéristiques (autonomie, durabilité, cycles de charge, etc.) avec conditions locales (climat, schémas de circulation, autres combinaisons de technologies de transport établies, etc.) pour déterminer son effet global sur l’efficacité énergétique et d’émission d’un système. À l’inverse, les modèles de transport représentent bien ces dynamiques d’utilisation pour une journée type d’exploitation, mais ils peinent à relier ces dynamiques aux autres activités qui déterminent la consommation globale d’énergie et les émissions associées, notamment la production d’électricité (mix de production d’électricité, pic de demande, etc.), extraction et raffinage de combustibles fossiles, ainsi que fabrication et recyclage de matériaux et de véhicules.

Deuxièmement, les modèles d’ACV et de transport comparent généralement différents scénarios prospectifs « instantanés », sans évaluer la transition pour atteindre ces états. Compte tenu de l’urgence de la décarbonation et de la transition vers les énergies renouvelables, la rapidité et le coût (monétaire, mais encore plus en termes de consommation d’énergie, d’émissions, de ressources, etc.) auxquels un état amélioré du système peut être atteint détermineront sa désirabilité et ses performances globales.

Troisièmement, les modèles de transport sont presque exclusivement appliqués aux villes ou aux régions urbaines, mais les transports innovants doivent également offrir des solutions pour les déplacements sur de longues distances, sinon ils ne seront probablement pas adoptés par le public. Par conséquent, on ne peut pas se concentrer uniquement sur les solutions urbaines pour comprendre les implications énergétiques.

Description du projet

Pour résoudre ces problèmes, le projet combinera les atouts d’une simulation de transport à base d’agents de pointe (MATSim) avec des modèles ACV des impacts énergétiques et environnementaux directs et indirects de diverses technologies de transport. Ce travail s’appuiera sur un travail antérieur (Projets de modélisation IET – 2e édition), mais affinera fortement l’intégration de ces modèles afin d’assurer une contextualisation précise de chaque technologie et de son usage (mobilité partagée, etc.), abordant ainsi le premier point. La deuxième question sera abordée en faisant des hypothèses sur des potentielles chemins de transition vers des scénarios de mobilité futurs, ceci en vérifiant leur plausibilité en termes de disponibilité de l’énergie et des ressources, ainsi que la consommation d’énergie cumulée et les émissions de gaz à effet de serre. Ces scénarios prendront en compte le renouvellement dynamique du parc automobile, l’évolution dans le temps des capacités de production et de distribution d’électricité renouvelable et de carburants alternatifs, ainsi que la disponibilité des ressources critiques et les potentiels goulets d’étranglement de fabrication. Afin d’aborder le troisième problème, il sera nécessaire d’examiner à la fois les déplacements régionaux et interrégionaux et la manière dont cette demande de mobilité peut être satisfaite par des solutions de mobilité innovantes afin de minimiser la consommation d’énergie. Comme les voyages interrégionaux font l’objet de beaucoup moins de recherches que les voyages régionaux, les données sur les premiers sont moins courantes et ne sont généralement pas couvertes par les enquêtes nationales de mobilité. Par conséquent, une première tâche consistera à identifier les données qui seraient appropriées pour obtenir un aperçu de ces voyages, ce qui inclura l’exploration des données des smartphones ou des médias sociaux, mais peut également inclure des enquêtes spécifiques. Ensuite, la simulation sera adaptée afin d’exécuter des scénarios interrégionaux et de déterminer les caractéristiques des futurs systèmes de transport qui seraient en mesure de satisfaire une telle demande. Cette recherche aborde une question très courante en prenant un chemin peu commun pour y répondre. Quels sont les scénarios de mobilité future qui minimisent la consommation d’énergie et les émissions?

Le travail vise à créer et tester un outil qui apporte des réponses plausibles avec une combinaison de méthodologies (Modélisation à base d’agents et ACV) qui est rarement utilisée dans la planification des transports mais permet de prendre en compte des problèmes largement négligés mais potentiellement extrêmement importants.

En examinant les points d’équilibre potentiels entre l’offre et la demande futures de transport, il donne un aperçu de deux points clés : comment développer des chemins de développement qui nous amèneront à des systèmes énergétiques à empreinte carbone réduite, et comment réduire l’intensité énergétique des transports et susciter un changement de comportement positif. Ce sera un outil puissant entre les mains des politiques et des décideurs du secteur pour éviter d’investir dans des solutions qui semblent prometteuses mais pourraient être moins efficaces que prévu, voire contreproductives, car elles ont été évaluées sans prendre le genre de vision holistique adopté dans ce projet.

Équipe de recherche

Francesco Ciari, Département des génies civil, géologique et des mines, Polytechnique Montréal (chercheur principal)
Guillaume Majeau-Bettez, Département de génie chimique, Polytechnique Montréal