Devant l’urgence de mener une transition énergétique réellement efficace à l’échelle du pays, l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal, en collaboration avec le Pôle e3c de HEC Montréal et la firme ESMIA, publie les Perspectives énergétiques canadiennes 2021 : horizon 2060. Ce rapport, qui en est à sa deuxième édition (voir l’édition 2018), projette l’évolution de la production et de la consommation d’énergie ainsi que des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada. Pour mieux mesurer les impacts des stratégies de réduction, il compare des scénarios de transformation s’étalant sur les quarante prochaines années, selon que le Canada atteigne la carboneutralité en 2045, 2050 ou 2060. Cet exercice de modélisation énergétique est fondé sur la description technologique la plus riche en la matière au pays.
Quelques conclusions par secteur
Le secteur du bâtiment présente le meilleur potentiel de transformation (réductions possibles de GES de 32 % en 2030 par rapport à 2016, et de 97 % en 2050). Sur le plan du chauffage des locaux, d’importants gains peuvent être réalisés à court terme grâce au remplacement des systèmes alimentés aux combustibles fossiles par l’électricité.
Cependant, la tarification du carbone à elle seule n’est pas suffisante pour assurer une évolution significative hors du statu quo. Une réglementation qui impose la carboneutralité des nouveaux bâtiments et encourage une meilleure isolation du bâtiment existant ainsi qu’une transition massive vers des pompes à chaleur électriques sera déterminante.
Le transport sera le secteur le plus difficile à décarboner. Bien qu’elles soient au cœur des efforts de réduction des émissions de GES, les transformations qui y sont requises sont difficiles et prendront du temps en raison des coûts plus élevés, des besoins de développement d’infrastructures lourdes et des défis technologiques liés au transport de marchandises. Il faudra plus qu’une décennie pour que les efforts de décarbonation de ce secteur aient un impact notable.
Les résultats de la modélisation montrent que la décarbonation de l’industrie nécessite un mélange de solutions technologiques incluant, mais sans s’y limiter, le captage des émissions de carbone. Ces solutions comprennent : l’innovation technologique, le changement de combustible, le changement de produit, le captage des émissions et une part importante de la production d’énergie à partir de biomasse couplée au captage et à la séquestration du carbone (BECCS).
L’agriculture présente une capacité de réduction globale des GES d’au mieux 31 % d’ici 2050 dans les scénarios carboneutres. Les trajectoires explorées suggèrent que le secteur sera responsable d’un tiers de toutes les émissions restantes d’ici 2050. À moins de changements drastiques dans les méthodes et les quantités de production, ces émissions ne peuvent être évitées et ne peuvent être captées sur site. C’est un domaine où des recherches considérables devront être menées pour examiner le potentiel d’une meilleure gestion de l’utilisation des terres, des changements alimentaires et des méthodes de production alternatives.
Le captage et la séquestration du carbone seront incontournables pour atteindre la carboneutralité. Même en réalisant des réductions importantes des émissions là où la technologie le permet, il reste une quantité importante d’émissions qui ne peuvent être évitées, réduites ou captées avec les technologies actuelles (entre 155 et 167 MtCO2e par an). Il s’agit en premier lieu des émissions provenant de l’agriculture et des déchets, ainsi que de la plupart des émissions des procédés industriels.
Il faut par ailleurs mentionner les risques et les inconnus actuels du stockage continu à grande échelle. Si les améliorations technologiques peuvent tempérer certains de ces risques au fil du temps, consacrer au moins autant d’efforts à l’innovation dans les réductions d’émissions qu’au captage semble essentiel.
Il sera important que les gouvernements concentrent leurs actions en premier lieu sur le front industriel et commercial. Le rôle des actions quotidiennes des citoyens et citoyennes dans l’atteinte des objectifs climatiques est, pour l’instant, limité à quelques secteurs. Moins de 20 % de toutes les émissions de GES peuvent être directement attribuées aux choix directs de la population, y compris le chauffage résidentiel (6 %) et le transport personnel (véhicule individuel 11 % et avion 1 %).