Le Canada a besoin d’une nouvelle approche et de nouveaux outils de politique climatique afin de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre (GES) tout en maintenant la prospérité économique, selon un rapport conjoint issu du Canadian Energy Systems Analysis Research Initiative (CESAR) de l’Université de Calgary et de l’Institut de l’énergie Trottier (IET) de Polytechnique Montréal.
L’atteinte des cibles nationales de réduction de GES ou des engagements climatiques internationaux, assortie à une croissance économique, nécessite des changements en profondeur dans les technologies, dans les infrastructures ainsi que dans les comportements. Or, les outils politiques tels que la tarification du carbone, les normes d’émission sur les carburants et les subventions aux énergies vertes ne permettent que de réaliser des gains marginaux dans les systèmes responsables des émissions de GES. Bien que louables, ces efforts ne traitent qu’un aspect de l’enjeu.
Intitulé Pour de l’analyse et des avis experts indépendants en appui à l’élaboration des politiques climatiques canadiennes, le rapport souligne que nous vivons à une époque de changements systémiques, pour la plupart stimulés par la technologie, des nouveaux modèles d’affaires ou de l’innovation sociale. Motivées par des réductions de coût ou l’amélioration de notre confort, ces innovations se feront sans égard aux impacts sur le changement climatique, avec la possibilité d’empirer la situation.
« La réflexion politique doit passer de la rétrospective à la prospective. En comprenant d’abord les implications socio-économiques et environnementales potentielles des innovations perturbatrices, il sera possible de concevoir des politiques qui encouragent, découragent, ou orientent l’innovation pour atteindre les objectifs sociétaux », explique le coauteur David Layzell, directeur du Canadian Energy Systems Analysis Research Initiative (CESAR) et professeur à l’Université de Calgary.
« Ces objectifs ne doivent pas se limiter à l’atténuation des effets du changement climatique, mais doivent également inclure la prospérité économique, la cohésion sociale et une meilleure qualité de vie pour les générations futures », dit-il.
La création d’un institut indépendant
Le rapport recommande aux gouvernements de créer une nouvelle organisation pancanadienne, indépendante des influences politiques, capable de fournir des avis experts fondés sur des données probantes. Provisoirement nommé Institut canadien du changement climatique et de la croissance propre, ou Institut C4P, cette entité regroupant du personnel hautement qualifié, serait responsable de produire des outils de modélisation utile à une prise de décision éclairée et de formuler conseils indépendants basés sur la science. Le fruit du travail de l’institut serait disponible tant pour les décideurs que pour le grand public.
« Vingt ans de stratégies de lutte au changement climatique infructueuses illustrent que la feuille de route pour la réussite n’est pas très bien définie et qu’elle ne sera certainement pas identique pour toutes les régions du Canada », affirme Louis Beaumier, coauteur du rapport et directeur exécutif de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal.
« Le milieu de la recherche du Canada peut fournir des avis experts indépendants de grande valeur ainsi que des analyses de haute qualité pour l’identification et l’évaluation de voies crédibles et convaincantes pour atteindre à la fois les objectifs d’émissions de GES et de prospérité économique », poursuit-il.
Ces objectifs sont d’ailleurs énoncés dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et le changement climatique, élaboré par Ottawa et les provinces.
« Il est temps d’ouvrir la discussion, de mobiliser davantage les autres paliers de gouvernement et de tirer parti de l’expertise canadienne en changement systémique pour élargir l’éventail de nos stratégies », fait valoir David Layzell.
Lacunes en modélisation
Le Canada accuse du retard par rapport à d’autres pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Les efforts actuels de modélisation et d’analyse des secteurs publics et privées sont incohérents. Ils utilisent souvent des données inexactes ou périmées, en plus de manquer de transparence, indique le rapport.
Ces lacunes diminuent la capacité du pays à planifier les changements systémiques que commandent les bouleversements environnementaux, ou à simplement répondre efficacement aux transformations dans certains secteurs d’activités.
Le cas du transport
Le rapport fait mention du transport comme exemple de secteur prêt pour une transformation majeure, motivée par d’autres considérations que les enjeux environnementaux. Les activités dans ce secteur tuent ou blessent gravement 12 000 Canadiens annuellement. S’ajoutent à cela l’effet de la pollution atmosphérique sur l’espérance de vie, les problèmes de congestion qui réduisent la productivité, et les importantes dépenses en infrastructures. Sans parler des coûts individuels : la voiture est un des plus importants postes de dépense d’un ménage et n’est utilisée en moyenne que 4% du temps. Le reste du temps, elle occupera souvent un espace de stationnement aménagé dans les zones foncières les plus chères au pays.
Les coauteurs du rapport affirment qu’en comprenant mieux le potentiel des diverses innovations en transport, nous pourrions certainement faire un meilleur usage du budget de mobilité et des espaces qui pourraient être libérés, en combinant objectifs sociétaux et lutte aux changements climatiques.
Des recommandations partagées par plusieurs spécialistes
Le rapport s’appuie sur de nombreuses initiatives antérieures organisées au cours des deux dernières années par le Canadian Energy Research Institute, la Canadian Energy Systems Analysis Research Initiative, la Fondation familiale Trottier, la Fondation Ivey, Ressources naturelles Canada, l’Institut de l’énergie Trottier et ayant bénéficié de la participation de nombreux chercheurs, acteurs du secteur de l’énergie et des gouvernements. À travers les rencontres, un consensus s’est clairement imposé « une initiative était nécessaire pour favoriser l’analyse et les avis experts indépendants en appui à l’atteinte des objectifs du Cadre pancanadien», indique le rapport.
Pour télécharger gratuitement le rapport, cliquez ici.