Méta-fenêtres : technologie éco-énergétique du futur

Description

Alors que la population mondiale s’élève à 7.6 milliards et devrait atteindre 9,8 milliards en 2050, la gestion de la chaleur en termes de chauffage et de climatisation domestiques, qui représente 1/3 des émissions de particules fines dans les pays industrialisés, est devenue un enjeu crucial pour la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de l’environnement. Dans ce contexte, les groupes de recherche des Profs. Christophe Caloz et Maksim Skorobogatiy proposent une nouvelle technologie de fenêtres, les méta-fenêtres, basées sur des matériaux artificiels, permettant de contrôler le rayonnement thermique naturel de sorte à réduire substantiellement la consommation d’énergie domestique. Ce projet vient de remporter le concours 2018 de l’Institut de l’Énergie Trottier et va démarrer d’ici le trimestre prochain.

La chaleur peut se propager, ou se transférer, de trois façons distinctes : 1) par convection (i.e. déplacement de fluide, ex : courant d’air ou vapeur d’eau), 2) par conduction (ou diffusion : transmission de proche en proche de l’agitation thermique des molécules) et 3) par rayonnement électromagnétique ou rayonnement du corps noir (selon lequel tout corps émet un rayonnement dépendant de sa température). Tandis que les technologies de fenêtrage actuelles maîtrisent bien les transferts de chaleur par convection et conduction, notamment par l’utilisation de calfeutrage efficace et de double vitrage rempli de gaz, elles sont essentiellement inopérantes en ce qui concerne le rayonnement électromagnétique. Or, selon de récentes études, la maîtrise de ce type de transfert thermique pourrait conduire à plus de 20% d’économie en chauffage et climatisation, ce qui représente un immense potentiel d’économie pour les consommateurs et de réduction de pollution. C’est précisément ce potentiel que vise le projet des professeurs Caloz et Skorobogatiy.

La clé de leur technologie est le récent développement, notamment dans le groupe du Prof. Caloz, de nouvelles métasurfaces, qui sont des matériaux artificiels bidimensionnels constitués de petites particules résonantes dont l’architecture permet de transformer les ondes électromagnétiques de façon tout à fait inédite. Après à peine une décennie de recherche, cette technologie de métasurface a déjà engendré de nombreuses applications, telles que par exemple des lentilles optiques plates, des interfaces à réfraction généralisée, et des hologrammes à résolution accrue. Les dernières avancées de ce domaine devraient maintenant, selon les Profs. Caloz et Skorobogatiy, permettre de contrôler le rayonnement du corps noir, dont l’essentiel du spectre se trouve dans le proche infrarouge (P-IR) pour le soleil et dans le lointain infrarouge (L-IR) pour les corps (ex : personnes et animaux, pièces d’habitation, végétation, atmosphère).

Ce projet est ambitieux. Il comporte notamment le défi de développer des méta-fenêtres contrôlant le rayonnement thermique sur une gamme de longueurs d’ondes de plus de 300%, avec les spécifications suivantes : a) l’énergie du spectre visible doit bien entendu passer dans les deux directions en tout temps, pour permettre à l’œil humain de voir à travers, b) en hiver, la méta-fenêtre doit laisser passer l’énergie thermique solaire (P-IR), tout en réfléchissant le rayonnement thermique intérieur (L-IR), c) au contraire, en été, la méta-fenêtre doit laisser sortir la chaleur accumulée à l’intérieur (L-IR), et bloquer l’énergie thermique solaire (P-IR). L’équipe de recherche a déjà plusieurs idées inédites sur les moyens d’atteindre ces objectifs, et se réjouit de démarrer le projet prochainement.

Équipe de recherche

Christophe Caloz, Département de génie électrique, Polytechnique Montréal (chercheur principal)
Maksim Skorobogatiy, Département de génie physique, Polytechnique Montréal