Relance suite à la pandémie

Suite à la pandémie de Covid-19 de 2020-2023, des membres de l’initiative Le climat, l’État et nous se sont réunis pour proposer quatre principes-cadres qui devraient guider l’élaboration du plan de relance. Ce faisant, ses signataires désirent ajouter leur voix à celles, nombreuses, qui invitent le gouvernement à une action réfléchie et structurante.

Les objectifs et les investissements annoncés dans les plans de relance pourraient avoir un impact majeur sur les orientations de la société pour de nombreuses années. Cette crise d’une ampleur inégalée peut être une occasion à saisir pour préparer le Québec à relever les défis de demain et non se contenter de reproduire le système qui existait auparavant.

Les quatre principes pour encadrer le plan de relance

1. Contrôler les dommages collatéraux et mieux partager les risques

Le gouvernement doit s’assurer de répondre à la crise en ne mettant pas davantage en danger la santé physique et mentale des citoyens ni aggravant la crise climatique et les problématiques environnementales. Il importe donc de prioriser l’aide aux travailleurs de toutes les industries touchées, mais d’éviter les subventions qui provoqueraient des dommages collatéraux tel que l’augmentation d’activités fortement polluantes ou des investissements dans les infrastructures qui accroîtraient les émissions de GES pour les décennies à venir. Les subventions et les aides devraient être accompagnées de conditions visant à orienter les investissements qui vont décarboniser ces secteurs et à mieux répartir les risques entre les citoyens et les divers acteurs de la société.

2. Saisir les occasions qu’offre la réponse à la crise actuelle

Les prochaines annonces d’investissements peuvent viser à relancer l’emploi dans des projets prêts à démarrer qui réduisent à la fois les émissions de GES, sont adaptés aux risques climatiques et améliorent la santé et la sécurité publiques. La relance ciblera vraisemblablement des secteurs à forts effets levier, tels que ceux de la construction et de la réfection des bâtiments. Il faut soutenir l’innovation et saisir les occasions que la réponse à la crise actuelle apporte et qui favorisent la carboneutralité (dépenses locales, chaînes d’approvisionnement raccourcies, restructuration du travail via le télétravail), l’économie verte et qui encouragent l’accélération de projets d’infrastructures (pistes cyclables, offre accrue de transport en commun favorisant la distanciation sociale, optimisation des parcours et de l’offre des services de livraison qui se sont développées durant la crise).

3. Prévoir ensemble les prochaines crises sanitaires et climatiques en développant notre capacité de résilience

La relance ne peut se penser en vase clos, elle doit impliquer l’ensemble des citoyens dans un débat public qui respecte l’effort déployé. Dès à présent, le gouvernement peut co-construire avec les acteurs du milieu des programmes efficaces visant à combler des lacunes évidentes de notre société, incluant améliorer la gestion de l’eau et des risques d’inondations en particulier, repenser la gestion des matières recyclables et résiduelles, soutenir les infrastructures intelligentes sobres en carbone qui aideront à accélérer la mise en oeuvre de la transition énergétique, favoriser le développement d’une économie circulaire. S’attaquant aux failles observées, malgré les soutiens massifs de l’État, dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’accès à la nourriture et aux services de communication, il faut aussi profiter de la relance pour renforcer les réseaux physiques et sociaux afin de mieux résister à de prochaines crises : établir des services et une gouvernance de proximité, développer et déployer les outils technologiques pour assurer une justice et une administration résiliente, adapter les milieux de vie aux risques climatiques, soutenir les populations vulnérables notamment par la construction de logements à loyers abordables.

4. Instaurer des mécanismes efficaces de reddition de compte et de suivi

Tous les effets collatéraux du plan de relance ne peuvent être évalués avant que celui-ci ne soit déployé. Le gouvernement doit donc prévoir, dès maintenant, des mécanismes de suivi et de reddition de compte qui permettront d’apporter rapidement des modifications et des corrections afin de favoriser sur le long terme un développement économique durable avec une faible intensité de carbone pour le Québec. En parallèle, il serait utile de développer des programmes de soutien à la recherche stratégique et sur les risques qui permettront d’orienter les investissements, les programmes et les choix gouvernementaux au cours des prochaines années.

Signataires

Normand Mousseau

Professeur titulaire, Département de physique, Université de Montréal

Directeur académique, Institut de l’énergie Trottier, Polytechnique Montréal

Louis Beaumier

Directeur exécutif, Institut de l’énergie Trottier, Polytechnique Montréal

Pascale Biron

Professeure titulaire, Département de géographie, Université Concordia

Stéphane Paquin

Professeur, École nationale d’administration publique

Marie-Christine Therrien

Professeure, École nationale d’administration publique

Directrice, Cité-ID LivingLab Gouvernance de la résilience urbaine

Julien Beaulieu

Chercheur titulaire, Centre de transfert technologique en écologie industrielle

Jérôme Dupras

Professeur, Département des sciences naturelles, UQO

Chercheur, Institut des sciences de la forêt tempérée (ISFORT)

Maya Jegen

Vice-doyenne à la recherche, UQAM

Simon Langlois-Bertrand

Professeur adjoint, Département de science politique, Université Concordia

Daniel Normandin

Directeur exécutif, Institut EDDEC

Marc-Urbain Proulx

Professeur, UQAC / Centre de recherche sur le développement territorial

Jean-Philippe Waaub

Professeur titulaire, Département de géographie, UQAM

Catherine Beaudry

Professeure titulaire, Polytechnique Montréal

Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la création, le développement et la commercialisation de l’innovation

Luc Bernier

Professeur titulaire, Faculté des sciences sociales, Université d’Ottawa

Titulaire de la Chaire Jarislowsky en gestion dans le secteur public

Roger Lanoue

Expert en management stratégique, en énergie et en accessibilité d’eau potable

Catherine Potvin

Professeure, Département de Biologie, Université McGill

Johanne Whitmore

Chercheuse principale, Chaire de gestion du secteur de l’énergie, HEC Montréal

Catherine Choquette

Professeure de droit, Université de Sherbrooke

Luc Godbout

Professeur titulaire, Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’université de Sherbrooke

Marcelin Joanis

Professeur titulaire, Polytechnique Montréal

Thierry Lefèvre

Professionnel de recherche, Université Laval

Co-coordonnateur du regroupement Des Universitaires

Martin Papillon

Professeur agrégé, Université de Montréal

Directeur, Centre de recherche sur les politiques et le développement social

Patrick Provost

Professeur titulaire, Université Laval

Co-coordonnateur du regroupement Des Universitaires

Annexe

Quelques exemples de mesures et d’actions à court terme en accord avec les principes-cadres

La liste qui suit vise à rendre plus concrets les principes-cadres énoncés ci-dessus ; elle n’est ni exhaustive ni chiffrée.

  • Mettre en place dès maintenant et accélérer le déploiement du programme d’électrification élaboré au cours des derniers mois:
    • Lancer un programme d’électrification du chauffage des bâtiments commerciaux et institutionnels qui inclut l’efficacité énergétique
    • Soutenir l’électrification des véhicules en favorisant les emplois locaux: autobus électriques, camions de livraison électriques, bornes de recharge


  • Déployer le transport actif et public:
    • Lancer un programme de soutien au transport actif: aide à l’achat de vélos à assistance électrique, déploiement accéléré de pistes cyclables en ville et en région (avec révision du code la route pour faciliter l’utilisation du vélo)
    • Accélérer la construction d’infrastructures lourdes de transport en commun : REM, tramways, voies réservées


  • Soutenir le télétravail:
    • Compléter l’accès au réseau internet haute vitesse à travers le Québec
    • Soutenir l’électrification de la flotte des services de livraison qui se multiplient
    • Soutenir le développement d’outils québécois sécurisés et adaptés
    • Faciliter le déploiement de nouveaux services d’appui au télétravail


  • Mettre sur pied un nouveau programme de sécurité alimentaire:
    • Soutenir le déploiement de serres avec chauffage vert
    • Valorisation du travail agricole


  • Favoriser une reforestation réfléchie et un usage des terres en friche en zones périurbaines pour bien planifier les développements résidentiels et commerciaux/ gestion des forêts innovante et aménagement des villes conçu pour réduire les îlots de chaleur en été


  • Encourager les industries à travailler au développement de technologies vertes


  • Soutenir un recyclage plus efficace, à la fois en qualité et en réduisant la chaîne d’utilisation dans une approche d’économie circulaire


  • Profiter des faibles prix du pétrole pour éliminer les subventions directes et indirectes à l’utilisation des produits pétroliers et soutenir les investissements dans les alternatives à partir de ces montants (qui représentent plusieurs centaines de millions $ au Québec)