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RAPPORT : REBÂTIR LE SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE CANADIEN

Le Canada pressé de transformer ses vastes ressources d’énergie renouvelable en moteur économique

Normand Mousseau, directeur académique de l’Institut de l’énergie Trottier, est l’un des auteurs principaux du rapport Rebâtir le système énergétique canadien : vers un avenir sobre en carbone, commandé par l’organisme fédéral Ressources naturelles Canada et rendu public le 26 mai 2017.

Coordonné par Catherine Potvin, professeure à l’Université McGill, ce projet a été porté Dialogues pour un Canada vert, une entité au sein de laquelle 71 chercheurs universitaires canadiens se sont penchés sur les mesures à prendre pour assurer la transition du pays vers des énergies à faible teneur en carbone, sans miner sa compétitivité à l’échelle mondiale.

Le rapport est présenté dans le cadre de Génération Énergie, un dialogue pancanadien initié par le ministre des Ressources naturelles du Canada, visant à consolider les idées de tous pour définir l’avenir énergétique du pays. Il rend compte d’un point de vue scientifique indépendant espérant favoriser la prise de décisions fondées sur des données probantes.

Selon ce rapport, la baisse de la demande de combustibles fossiles au cours des décennies à venir pourrait diminuer considérablement les investissements de l’étranger dans le secteur pétrolier et gazier, qui serait dès lors moins porteur et plus risqué. Actuellement pays producteur de pétrole, le Canada devrait opérer un virage et s’employer à devenir un chef de file en énergies renouvelables dans le monde, croient les signataires du rapport.

« Le Canada possède une quantité exceptionnelle de ressources d’énergie renouvelable. La transition mondiale vers des systèmes énergétiques sobres en carbone constitue une occasion en or de doter le pays d’un formidable moteur économique », estiment les scientifiques, les ingénieurs et les spécialistes en sciences sociales qui ont produit bénévolement ce rapport de 60 pages.

Selon ses auteurs, le Canada doit accélérer la transition vers une économie sobre en carbone en réduisant la demande énergétique globale grâce à la maximisation de l’efficacité énergétique et de la conservation de l’énergie, en augmentant l’électrification au moyen de sources d’électricité à faibles émissions de carbone et en remplaçant progressivement les combustibles pétroliers à teneur élevée en carbone par des combustibles à faible teneur en carbone.

La gouvernance, pièce maîtresse d’une transition réussie
D’emblée, les auteurs présentent la gouvernance comme la pièce maîtresse d’une transition énergétique sobre en carbone réussie, la technologie nécessaire à l’amorce de ce virage étant, insistent-ils, facilement accessible. « Nous croyons que les barrières sociales, politiques et organisationnelles sont le principal frein à l’accélération de cette transition », affirme Catherine Potvin, professeure à l’Université McGill et coordonnatrice du rapport.

Les auteurs du rapport concluent que « les promesses actuelles [en matière de politiques et de mesures de décarbonisation] ne nous permettront pas d’atteindre notre destination – un monde qui aura évité une augmentation de plus de 2 ˚C de la température mondiale. » La réussite de cette transition énergétique passera par un meilleur encadrement, un soutien accru et des efforts de mobilisation plus soutenus de la part de tous les paliers de gouvernement. Le Canada a d’autres grands périples à son actif, notamment l’adoption d’un système de soins de santé universel et la mise en place de la sécurité sociale. La décarbonisation constitue un périple tout aussi important.

La transition sobre en carbone : un atout concurrentiel
L’enthousiasme des entreprises canadiennes à l’égard de la transition sobre en carbone aura une incidence sur leur compétitivité et leur réussite futures, estime le groupe d’universitaires. Dans le secteur privé, les apports financiers contribueront à créer des conditions propices à l’innovation énergétique sobre en carbone. Cela dit, le secteur public devra emboîter le pas au privé en matière d’investissement et montrer clairement la voie à suivre.

« Pour stimuler la transition énergétique, il faut adopter des mesures axées non seulement sur l’approvisionnement en énergie, mais également sur la demande énergétique », estime David Layzell, Ph. D., professeur à l’Université de Calgary et l’un des auteurs principaux du rapport. On peut accélérer la transition en proposant aux citoyens et aux entreprises une gamme intéressante d’options sobres en carbone, de nature à améliorer leur qualité de vie. Il pourrait s’agir, par exemple, d’encourager l’autoproduction d’électricité par la mise en place de tarifs de rachat ou l’adoption de mesures facilitant l’accès aux toits solaires, ou d’offrir des transports en commun rapides, sûrs et confortables.

Le périple
Le groupe d’universitaires envisage la décarbonisation comme un périple en trois temps : la préparation (2017‑2020), les premiers pas de la mise en œuvre (2020‑2030) et la décarbonisation profonde (2030‑2050).

« Il est essentiel, dans un premier temps, de mettre en place les structures et les modes de fonctionnements qui assureront que les programmes, les décisions et les investissements livrent les résultats attendus », affirme Normand Mousseau, Ph.D., l’un des auteurs principaux du rapport.

L’élaboration d’une vision commune de l’avenir et la création d’institutions qui veilleront à la réalisation de la transition sobre en carbone constituent les étapes clés de la phase préparatoire.

Une fois cette étape franchie, les premiers pas de la mise en œuvre devraient permettre aux Canadiennes et Canadiens de choisir, parmi les options énergétiques de l’avenir, l’éventail le mieux adapté à leur coin de pays. Afin d’accélérer la décarbonisation, les politiques énergétiques retenues devraient s’inscrire, pensent les auteurs, dans une « stratégie de développement sobre en carbone » plus vaste reposant sur l’utilisation de la richesse exceptionnelle du Canada en énergies renouvelables comme formidable moteur économique pour le pays.

Le périple vers la décarbonisation profonde – qui permettrait au Canada d’être à la hauteur de ses engagements internationaux en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 80 % sous le niveau de 2005 d’ici 2050 – commence dès aujourd’hui. Pour avancer sur la voie de la décarbonisation, nous devons demeurer à l’affût des sources de GES sur lesquelles nous pouvons agir sans délai, adopter des politiques qui nous permettront de réduire les émissions rapidement et modifier le cadre réglementaire chaque fois qu’il le faut dans le but d’accélérer la décarbonisation.

À l’échelle de la planète, le défi paraît certes colossal. Néanmoins, de plus en plus d’individus, de collectivités, de secteurs d’activité et d’administrations publiques s’attellent à la tâche, fermement résolus à relever ce défi avec brio. À long terme, on s’attend à une hausse de la demande mondiale d’énergie sobre en carbone et à un effritement de la demande mondiale de combustibles fossiles. Moyennant une planification judicieuse et la mise en place précoce de mesures de soutien, la transition pourrait se faire sans heurts, voire se révéler salutaire pour les travailleurs et les collectivités.

26/05/2017