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PLAN POUR UNE ÉCONOMIE VERTE

Opinion –
Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal

Plan pour une économie verte : une gouvernance qui pourrait tirer le Québec dans la bonne direction

Le plan pour une économie verte (PEV) annoncé lundi par le ministre de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques, M. Benoit Charette, est loin d’être suffisant et même complet, tel que le reconnaît le document lui-même, qui prévoit que l’application intégrale des mesures annoncées ne permettrait pas de faire la moitié du chemin vers la cible de réduction des émissions de GES de 2030.

De bonne guerre, dès sa publication, et même avant, de nombreux observateurs et experts, dont je fais partie, ont souligné les lacunes et les omissions: le PEV ne semble pas à la hauteur des ambitions officielles du gouvernement, alors même que le réchauffement climatique s’accélère et que de nombreux pays à travers la planète relèvent le niveau de leurs objectifs.

De même, si le plan de mise en œuvre détaille avec précision les dépenses dans les nombreux secteurs qu’il couvre, il manque encore d’information sur la façon dont la moitié des promesses de réduction, particulièrement dans le secteur industriel, seront réalisées. Faute de ces détails, il est difficile pour les experts d’évaluer si ces programmes livreront même leurs promesses. Force est de reconnaître, toutefois, qu’alors que le gouvernement fédéral tarde à livrer ses programmes que de nombreuses provinces débattent encore du besoin d’agir sur la question climatique, ce plan place le Québec à l’avant-garde au pays et dans le peloton de de tête des États en Amérique du nord.

Surtout, et c’est là que réside l’intérêt du plan, si les orientations actuelles du PEV sont insuffisantes, celui-ci intègre des mesures de gouvernance qui devraient faire en sorte, si elles sont déployées correctement, de corriger rapidement ces lacunes. Tout d’abord, alors que Québec (et Ottawa) ont l’habitude de plans de cinq ans qui ne sont révisés qu’après la date d’expiration formelle, conférant une rigidité qui facilite l’inaction sur le terrain, le PEV prévoit une planification glissante sur cinq ans sera refaite annuellement. Cette approche, à condition qu’elle puisse s’appuyer sur des données à jour et une écoute active de la part du gouvernement, permettra d’ajuster rapidement les orientations et les mesures pour répondre aux changements dans le contexte québécois, canadien et mondial.

Autre nouveauté, un comité scientifique consultatif qui aura le mandat d’analyser le plan et sa mise en œuvre et d’en faire rapport publiquement, doit être créé rapidement. S’il est doté d’un budget adéquat et composé d’experts suffisamment indépendants, ce comité devrait offrir le suivi crédible essentiel pour maintenir la pression et accélérer la transformation de l’économie québécoise.

Les défis de la transition énergétique du Québec sont grands: partant déjà avec une électricité décarbonée, il ne peut se contenter, comme la majorité des États, de fermer une centrale au charbon et d’installer des éoliennes pour réduire ses émissions. Il doit plutôt s’attaquer de front à des secteurs qui sont encore négligés ailleurs dans le monde. Pour y arriver, il lui fallait un plan ambitieux, mais aussi capable de s’adapter et de se bonifier rapidement, à la lumière des critiques et, surtout, des données. Le PEV, malgré ses lacunes notables, met en place des mécanismes prometteurs.

Si la structure de gouvernance proposée ici fonctionne comme on l’espère et, en même temps, que le bureau du premier ministre soutient réellement le ministre de l’Environnement dans son rôle de maître d’œuvre de la lutte aux changements climatiques, le PEV pourrait même s’établir comme la référence pour les prochains plans d’action pour l’ensemble de l’appareil gouvernemental.

18/11/2020